Les desseins du Maître...

Quelqu'un voudrait-il bien répondre, merci?

Les choses avaient changé. Ses chances de s'en sortir avaient grandement diminué. Et cela l'effrayait. Il avait cru, un bref instant, qu'il allait pouvoir s'échapper. Qu'il allait gagner le combat contre Silas, ensuite qu'Ailée allait l'emporter avec lui. Ses espoirs venaient d'être réduits à néant avec leur arrivée au port. De nouvelles personnes étaient montées à bord du navire et l'une d'elles avait soigné Silas. Vynean, en revanche, était toujours dans un sale était. Il était fichu et il le savait. Il avait vraiment peur.

Celui qui devait être le chef du groupe, le maître de Silas, avait l'air effrayant et machiavélique. Vynean n'avait pas la moindre idée de ce qu'il lui voulait - et cela l'effrayait encore plus. Il n'avait rien fait, et pourtant tout le monde semblait lui en vouloir : d'abord les pirates, ensuite eux ! Il en avait un peu marre aussi.

Il avait presque envie de pleurer. C'était son droit, non ? Après tout ce qu'il lui était arrivé... Mais il ne pouvait se résoudre à le faire. Pas devant tous ces gens qui le regardaient. Il avait déjà l'air pitoyable, alors s'il se mettait à pleurer... Il ne pouvait pas faire ça. Il était le roi des Fiefs du Gondor, n'est-ce pas ? Il les représentait. Il devait se montrer digne de son poste.

Courageusement, Vynean releva la tête et toisa ses ennemis à travers les mèches brunes qui lui tombaient devant les yeux. Il était fort probable qu'ils ne puisse voir son regard - cela arrivait souvent à cause de ses longs cheveux - mais ils allaient certainement le sentir. Il avait sa dignité. Il était prisonnier, oui, mais restait un roi, et il allait se montrer à la hauteur de son rang ! Le sang noble qui coulait dans ses veines bouillonna à ces pensées.

Soudain, il sentit la main d'Ailée quitter la sienne, et avec elle les derniers espoirs qu'il lui restait. Ce fut comme si elle s'envolait, doucement, comme une plume d'un oiseau, pour voleter dans l'air, hors de sa portée. Vynean eut l'impression que son coeur s'en allait avec elle. Sa vie. Tout son courage disparut en un instant. Des souvenirs douloureux de son enfance refirent surface dans sa tête. Il gémit. Comme il devait avoir l'air pathétique ! Et tout à coup, une voix douce et chaleureuse murmura à ses oreilles des paroles réconfortantes. Il pouvait presque sentir des bras s'enrouler autour de ses épaules... Comment un souvenir pouvait-il être si précis ? Vynean ferma les yeux et une odeur nostalgique s'ajouta aux mots qu'il entendait de nouveau. Sans s'en rendre compte, il sourit.

Le souvenir cessa comme il avait commencé. Doucement, Vynean rouvrit les yeux et fixa de nouveau son adversaire. Il ignorait ce qu'on lui voulait. Il ignorait ce qu'il allait lui arriver et même s'il allait survivre. Mais il était prêt à affronter tout cela.

Ailée fut escortée hors de la pièce par cinq gardes, et Grima l'accompagna au-dehors.

Silas se sentait pleinement revigoré : les pouvoirs de son Maître étaient décidément bien affûtés ! Il n'avait que trop raison de le servir, et d'accomplir ses moindres ordres... Il était né pour cela, et pour continuer d'être digne de son Maître... et pour cela, il était primordial qu'il accomplisse chaque taches qu'on lui confiait... toutes les tâches.

Alors, la haine remonta dans le coeur de Silas, et il se sentit possédé d'un désir ardent de vengeance, d'une ivresse de victoire : ce garçon, à peine arrivé à l'âge d'homme des humains, l'avait blessé, avait fait couler son sang, à lui, le serviteur du Maître ! Grima l'avait soigné, mais le sang séché maculait toujours son torse... Autre preuve, plus tangible, de leur combat, étaient leurs sueurs, qui émanaient respectivement de chacun des deux, preuve de leur rixe passée... mais ce n'était pas terminé !

Silas s'approcha par derrière Vynean qui, perdu dans ses pensées, ne réagit pas immédiatement. Puis, après un geste aux gardes restants pour quérir de l'aide si besoin était, Silas saisit le bras droit de Vynean. Celui-ci banda ses muscles instinctivement, et ils roulèrent à terre, Silas ceinturant férocement le jeune homme, et chassant l'air de ses poumons par cette étreinte acharnée...

Vynean poussa un cri de douleur quand Silas lui tordit le bras. Il tenta de se dégager, mais l'Elfe le tenait fermement et ils ne parvinrent qu'à rouler au sol. Ecrasé par le poids de son adversaire, le souffle coupé, le jeune homme ouvrit la bouche pour aspirer de l'air. Il sentit qu'on poussait sa tête contre le sol avec violence. Un peu étourdi par le choc, Vynean mit du temps à reprendre ses esprits. Il haletait.

Ce n'était pas juste. Ce combat-là n'avait rien de loyal. Habitué très tôt à vivre avec des serviteurs, Vynean connaissait la loyauté et l'honneur, qu'ils soient domestiques ou martiaux. Son ennemi, lui, l'attaquait par derrière, entouré de cinq autres soldats. Avait-il peur de ne pas gagner ? Il voulut le lui demander, mais cela n'aurait fait qu'accroître la colère de Silas.

"Qu'est-ce que vous me voulez ?" Parvint-il à articuler, essoufflé et un peu paniqué.

[Rien à voir, mais j'aimerais, pour des problèmes de chronologie, qu'on fasse comme si Vynean et Kentarione ne se connaissaient pas et ne s'étaient pas rencontrés - on va dire que c'était quelqu'un d'autre.]

Alors que Silas ne contrôlait plus ses actes, et s'était laissé submergé par son envie de violence, Grima fit irruption dans la cabine. Il y trouva un désordre indescriptible : Silas, cédant à son tempérament extrêmement agressif, assaillait encore une fois Vynean, poussant le jeune homme au bout de son endurance morale. Langue-de-Serpent sentait les fils de son plan lui échapper : il ne savait pas pourquoi, mais il était convaincu que Silas allait bientôt commettre l'irréparable sur Vynean, aussi intervint-il rapidement. D'un signe de la main, il ordonna aux gardes de séparer les deux protagonistes :

"Paix, Silas. Sors d'ici."

Deux gardes poussèrent rudement Silas à l'extérieur de la cabine. Une fois la porte refermée, ne restèrent dans la pièce que deux gardes, Grima, Vynean, Govik et Frodon. D'un geste, Langue-de-Serpent proposa à Vynean de prendre un siège afin de discuter plus confortablement. Puis il prit la parole, profitant de la Confusion de Vynean, et teintant ses propos de Persuasion :

"Je te prie d'accepter mes excuses, Vynean des Fiefs. J'avais demandé à mon serviteur de te convier à une discussion amicale avec moi, mais il s'est montré... un peu trop zélé."

Lisant sur le visage du jeune roi une réponse de l'ordre de : "C'est le cas de le dire.", Grima enchaîna, se composant une expression soucieuse et désolée :

"Peut-être voudras-tu, après toutes ses péripéties, écouter mon propos plus calmement ? Nous voguons vers Lindon, et avons donc tout le temps de débattre sur ta véritable ascendance, Vynean de Gondor."

Cet Elfe était vraiment un malade ! Vynean n'avait rien fait de si grave pour le mettre dans un état pareil, si ? On ne cherchait pas à tabasser un gamin à mort - ou quoi qu'il cherchait à faire - juste parce qu'il opposait un peu de résistance ! Dans le milieux où il avait été élevé, les gens ne feraient jamais ça ! Quoique...

Le jeune homme poussa un soupir de soulagement quand le maître de Silas lui ordonna de le laisser. Heureusement, ce dernier obéit. Cela rappela à Vynean d'heureux souvenirs en compagnie de ses propres serviteurs, mais eux étaient bien plus sympathiques. Eux étaient des personnes dignes de confiance. Son coeur se serra quand il se souvint qu'il ne les reverrait plus jamais. Ils lui manquaient. Mais, plus encore que les membres de sa familles et la plupart des domestiques, un autre serviteur lui manquait. Ses paroles réconfortantes, son innocence, son sourire qui à lui seul donnait envie de continuer... Vynean ravala la boule qui lui enserrait la gorge et se concentra sur Grima.

Vynean de Gondor. De Gondor. Comment savait-il ? La plupart des gens ignoraient qui il était, quelles étaient ses origines, car il avait été brutalement arraché à sa famille. Oui, il était d'ascendance noble. A vrai dire, sa famille était l'une des rares princières qui demeuraient encore aujourd'hui, et était sans cesse menacée par des familles rivales. Vynean avait toujours caché son ascendance, par par honte mais par sûreté. Et voilà que cet inconnu savait tout ! Oui, son père aurait pu prétendre au titre de roi du Gondor. Mais il ne l'avait pas fait, pour ne pas attiser d'autres colères. Le pouvoir n'intéressait pas son fils. Il voulait juste mener sa petite vie tranquille, à l'abri du mal. Or, le mal semblait vouloir le rattrapper à chaque instant. Tout avait basculé le jour où...

"Comment savez-vous que je suis un prince gondorien ? Etes-vous de ceux qui ont... qui m'ont enlevé il y a un an ?"

Grima plissa les paupières : sans s'en rendre compte, le jeune homme lui tendait des pièges ! Il réfléchit mûrement avant de décider de lancer une réponse prudente, avide de voir comment la situation allait pouvoir évoluer ensuite. Il opta donc pour une réponse énigmatique :

"Je sais bien des choses sur toi, Vynean des Fiefs... Plus que tu n'en connaîs toi-même..."

Puis, décidant d'éclairer le jeune garçon sur ses intentions, il prit une expression bienveillante, et annonçé d'un ton affable :

"Non, je ne faisais pas partie d'eux, Vynean... J'ai voulu te rencontrer pour te soumettre un des tests, afin de constater si tu est digne de l'héritage que je peux t'enseigner, si tu acceptes que je deviennes ton mentor..."

Vynean était mal à l'aise : comment cet inconnu pouvait-il le connaître, s'il ne faisait pas partie de ceux qui avaient tenté de l'enlevé ? L'espionnait-il ? Mais comment ? Le jeune prince connaissait la plupart des gens aux Fiefs et avait confiance en eux. En revanche, s'il s'agissait d'une ancienne connaissance de sa famille, voire d'une ancien domestique... Quoi qu'il en soit, il avait été trahi. Ce n'était pas la première fois, loin de là, mais cela lui faisait toujours mal au coeur.

Heureusement, Grima ne semblait pas faire partie de ces traîtres. Cela inquiéta d'autant plus Vynean, car cela signifiait qu'il était espionné par d'autres personnes encore. Au moins que... Et s'il bluffait ? S'il ne savait absolument rien de lui, en qu'il essayait de le faire parler pour en savoir plus ? L'allusion à son ascendance princière n'était peut-être qu'un coup de chance pour Grima ? Le jeune homme redroubla de prudence.

Cependant, lorsqu'il entendit quelles étaient les véritables intentions de Grima, il en perdit presque tous ses moyens. Il voulait faire de lui son élève ? Cela n'avait absolument aucun sens !

"Moi ? Pourquoi moi ? Je n'ai rien à voir avec vous, je ne vous connais pas ! Pourquoi ne me laissez-vous pas tranquille, tout simplement ?"

Grima se doutait bien que le jeune homme allait chercher à échapper à son plan. Aussi avait-il prévu de l'appâter avec des révélations sur son passé... il ne lui restait plus qu'à espérer que Vynean ne conaissait pas tout sur tout de son ascendance...

Il avait naturellement un art de la Perusasion très développé, et d'un geste innocent de la main, il brouilla la logique du jeune homme, le plongeant dans une légère Confusion d'origine magique :

"Je veux bien te laisser en pax, Vynean. Vois avec toi-même si tu penses survivre à tes ennemis dans u futur proche, car je ne suis pas le seul à savoir ce que je sais..."

Le sortilège de Confusion fut vite effet, car Vynean avait déjà l'esprit un peu embrumé par tous ces changements de situation. Il ne savait plus où il en était. Bizarrement, ce homme qui lui avait tout d'abord parut suspect lui semblait très amical. Et puis, il affirmait ne pas lui vouloir de mal, non ? Et il lui proposait même son aide, de façon détournée. Le jeune homme avait l'esprit brouillé, mais ses talents de négociateurs refirent bien vite surface. Il parvint même à cacher - un peu - sa peur.

"Que d'autre sait, à part vous ? Est-ce que... vous pouvez m'aider ? Qu'est-ce que je risque, exactement ? Mon frère me croit certainement mort, à l'heure qu'il est ! Qui d'autre..."

Il ne parvint même pas à terminer sa phrase, tant il était confus. Il ne remarque pas qu'il avait livré, sans le vouloir, l'identité d'un de ses ennemis à Grima.

Grima jubilait : il le tenait ! Se frottant mentalement les mains, il se concentra, et, usant de toute la Persuasion dont il était capable, acheva son oeuvre de sape :

"Il est plusieurs personnages, autres que ton frère, qui connaissent mieux que toi ton ascendance, et qui complotent dans ton dos... contre toi, et contre un certain serviteur, qui t'était cher avant ces évènements, et qui l'est certainement encore..."

Vynean se raidit, blème. Ses lèvres se mirent à trembler et son coeur à battre furieusement dans sa poitrine. Bientôt, son corps entier frémit. Sa vue se brouilla. Un poids terrible lui tomba dans le ventre et lui enserra la gorge. Pourquoi ? Pourquoi avait-il de telles réactions ? Grima mentait, c'était évident ! Il ne pouvait pas savoir, tout simplement. Parce que... parce que... parce que le serviteur si cher à son coeur était mort ! Il l'avait vu recevoir un coup d'épée, il ne se souvenait plus où. Mais ses aggresseurs l'avaient certainement achevé ! Comment aurait-il pu en être autrement ? Lui-même avait à peine survécu à sa blessure...

Mais si par miracle Grima disait vrai... si son ami était toujours vivant... Alors il le retrouverait. Bien sûr, qu'il lui était cher, plus que tout au monde !

"On a toujours comploté contre moi... mais je n'ai jamais réussi à m'en sortir seul. Il y avait toujours quelqu'un pour me protéger. Vous avez évoqué mon Serviteur... mais je doute qu'il soit encore de ce monde après... après ce qu'il s'est passé. Si vous pouvez me protéger... s'il y a ne fût-ce qu'un mince espoir qu'il soit toujours vivant... alors je vous suivrai."

[Stp ne révéle pas Vynean que le serviteur en question est vivant, suspense suspense !]