Le voyage continue...

Frodon et Sam se trouvaient maintenant sous les frondaisons de l'un des arres bois de l'Imlad Morgul, devant la statue souillée d'un roi du Gondor. Frodon contemplait quant à lui la tête du roi, tombée à terre, sur le côté, recouverte de végétation. De petites fleurs blanches lui faisaient une sorte de couronne, mais le hobbit n'était pas attentif à ce détail réconfortant. Il pensait plus au poids croissant que prenait l'Anneau, et à la difficulté qu'il avait chaque jour à avancer, tout comme Sam, le long du chemin qu'ils s'étaient tracé à travers les forêts, dernières traces de l'Ithilien...

Le regard dans le vague, fixé sur les feuilles mortes, au sol, Frodon songeait que Sam semblait comprendre le poids et la part grandissants que prenait l'Anneau au fil des jours qui passaient. "Ce brave Sam", pensait-il, souriant intérieurement. Alors qu'ils marchaient vers une entreprise sans grands espoirs de réussite, et que le poids du destin de la Terre du Milieu pesait sur eux, le semi-homme fut réconforté de savoir qu'il avait à ses côtés un ami fidèle, qui irait jusqu'au fin-fond de Mordor avec lui s'il le fallait. "Et c'était le cas", songeait-il encore, regardant à présent l'ombre du ciel au-dessus d'eux, vers l'Est.
L'Anneau se faisait de plus en plus difficile à porter, et Frodon voyait son sommeil se peupler de cauchemars : la Comté dévastée, les peuples de la Terre du Milieu réduits en esclavage. Si Sauron reprenait l'Anneau Unique, il serait en bonne voie pour réaliser ce sombre dessein.
Frodon pensait de plus en plus à Gandalf, le voyant en vêtements blancs, changé, et entouré de lumière blanche. La nuit dernière, Frodon l'avait vu, chevauchant à travers monts et vallées, sur un magnifique coursier blanc. Bien qu'il n'ai pas compris le sens de ce rêve, ou de cette vision, le semi-homme pensait que les choses se gâtaient, à l'Ouest, en Rohan ou en Gondor, car Gandalf avait au visage une expression soucieuse qui inquiétait Frodon : il leur fallait leur hâter de leur côté.

Revenant brusquement à la réalité, Frodon se rendit compte que Sam était lui aussi en train de contempler le triste spectacle qu'offrait la tête du roi de Gondor renversée, à terre, recouverte de branches. Empli de nostalgie, le hobbit n'ajouta rien, ému par ce tableau...

Sam ne disait rien. Depuis quelques temps, Frodon devenait de plus en plus taciturne et silencieux. Mais c'était à cause de l'Anneau, à cause de ce qui pendait autour de son cou. Beaucoup d'autres, dont en particulier des Hommes (bien qu'Aragorn et Faramir n'aient jamais été tentés, ou du moins, ne l'ont-ils jamais manifesté), l'aurait déjà utilisé à leurs propres fins et alors, ils seraient aussi tomber sous la domination du Seigneur des Ténèbres : Sauron. Frodon devait donc exercer une immense force en lui pour éviter de tomber aussi sous le joug du Maître de la Terre Noire, l'Ennemi de tous les Gens Libres. Mais, comme l'avait dit Gandalf en parlant de Glorfindel et de Pippin à Elrond, les Hobbits sont capables de grand explots, et même s'ils n'ont autant de charisme ou des talents martieaux aussi poussés que les grands seigneurs elfiques, ils avaient une certaines résistance à la magie et savaient supporter durant de longues années le poids d'un immense fardeau. Après tout, Bilbon n'avait-il pas conservé l'Uniquedurant soixante ans sans jamais faillir ou montrer qu'il le posséder à qui que ce soit (bien que beaucoup se doutaient de l'existence de quelque chose de précieux et de très puissant, mais l'esprit du Hobbit moyen ne ouvait aller jusqu'à immaginer un tel outil pour rendre les ténèbres encor plus grandissantes).

C'est alors que le Lune montra sa face au travers des nuages qui parcourraient le ciel. En Imla d Morgul, encore plus que dans le reste du Mordor, la Soleil ne perçait jamais. Ma lumière éclaira le valon, montrant ainsi aux yeux de tous les petites fleurs blanches qui courraient sur les petites hauteurs et les petits plateaux les plus bas. Cela était à la fois magnique et repoussant. En effet, une certaine majesté régnait en ces lieux, mais en même temps, on y voait l'impavidité de la mort et de tout ce qui s'ensuit, des esprits corrompus parcourraient sans cesse l'Imlad Morgul, en quête de repos, ce qu'ils ne trouveraient jamais, et resteraient donc jusqu'à la fin des temps ou la chute de Sauron des âmes en peine.

Mais cette lumière blanche éclaira la tête souillée du vieux roi. Les branches qui la recouvraient montrèrent alors elles-aussi leurs fleurs, faisant ainsi à cette tête emplie de majesté, bien que souillée, une couronne blanche, de type elfique pensa Samsagace. Cette lumière eut un effet régénérateur sur le brave Hobbit, qui se sentit purifier de toutes les horreurs qu'ils avaient connues, cotoyées ou même tout simplement vues. Il s'approcha de la tête mais s'arrêta alors qu'il tendait la main. Tant que Sauron ne sera pas tombé, il fallait la laisser là. Elle représenterait la déchéance des grands royaumes mais en même temps leur puissance, car même en n'étant plus que les ombres d'eux-mêmes, la lutte ne sera jamais aussi intense que maintenant...

Mais l'instant était éphémère, et la lumière du soleil couchant passa, laissant un début de crépuscule tomber sur la région. C'est en poussant un soupir de regret que Frodon poursuivit leur route, accompagné de Sam, vers la vallée de Morgul : ces instants d'espérance et de beauté ne signifiaient presque plus rien pour le semi-homme, car l'Anneau lui faisait partager une vue morne et triste du monde alentours. Il était rare que quelque chose puisse l'émouvoir à ce point, comme à présent. Mais l'endroit où ils se rendaient était beaucoup moins beau, et il n'y avait pas de place là-bas pour les émotions heureuses qu'il ressentait de plus en plus rarement : l'Anneau faisait son sinistre effet, il lui fallait s'en débarasser au plus vite...

***

Les deux hobbits marchaient le long de la route grise et poussiéreuse qui menait à la cité de Minas Morgul. Alors que la forteresse maudite ne se trouvait plus qu'à quelques centaines de mètres d'eux, les semi-hommes s'arrêtèrent et allèrent se réfugier derrière les rochers qui bordaient le bord opposé du chemin. Frodon observa les noirs remparts de Minas Morgul, baignants dans une lumière verte spectrale, et angoissante : comment allaient-ils passer par cet antre du mal ? Les orques et les créatures de Sauron devaient y être plus nombreux qu'en tout autre endroit hors du Mordor, du moins c'était ce que pensait Frodon du haut de ses maigres connaissances : jamais il n'avait autant regretté de ne pas avoir étudié la région du Mordor lui-même pendant leur séjour à Fondcombe. Ils étaient pour ainsi dire au pied du mur, et ne pouvaient avancer plus avant. Avec un soupir de découragement, Frodon murmura la question qui occupait leurs pensées à haute voix :

"Mais comment allons-nous passer ?"

Frodon observa les deux statues grimaçantes qui se dressaient de part et d'autre du pont qui menait à la forteresse : elles dégageaient une impression de puissance contenue, d'ancienneté oubliée... Et... l'Anneau semblait tellement moins lourd maintenant qu'il y pensait...

Le regard de Frodon se vida, et, chancelant, il commença à avancer vers le pont, et les portes de la Cité du Roi-Sorcier...

Sam suivait Frodon d'un pas lourd et lent pour un jeune Hobbit. Plus ce dernier allait vite, plus Samsagace allait moins rapidement. L'atmosphère état lourde et morose, aucun d'eux n'ouvrait la bouche pour dire mot, comme c'eût été le cas des semaines plus tôt. Etrangement, Monsieur Sacquet semblait attirer par la forteresse fantôme. Il semblait vouloir rendre l'Anneau à Sauron, être attiré par l'Oeil.

Sam chassa cette idée de son esprit. C'était bien trop absurde, surtout de la part de Frodon qui était un brave coeur, et qui ne laisserait jamais tomber sa quête. Les deux compagnons allèrent se cacher derrière des rochers. La sombre route biscornue s'élargissait peu à peu, jusqu'à parvenir devant deux statues grimaçantes, porteuses de douleur. Sam les lorgna quelques minutes. Elles lui faisaient penser aux Neuf. Peut être était-ce bien les Nazgûl après tout.

La voix de Frodon résonna dans sa tête. Mais Gamgee n'y prêta aucune attention. Il s'assoupissait au fur et à mesure que Frodon allait au devant de ses cauchemars, au fur et à mesure que Frodon gagnait de la force, de l'assurance, mais en réalité, il se vidait peu à peu de ses sens, il devenait peu à peu une créature telle celle nommée Gollum, ou encore pire, un des Rois-Déchûs, qui désormais servent le Grand Oeil.

Soudain, Frodon se mit à avancer vers Minas Morgul. Là, la pensée de Sam le tint en alerte. Il se releva et se mit à courir vers son maître. Mais à chaque fois qu'il le rattrapait, quelque force mystérieuse le faisait trébuche rou lâcher son emprise sur l'épaule de Frodon. Finalement; la volonté du Hobbit le poussa à continuer. Il se jeta sur Frodon et s'aggripa à lui. La tête de son maître se tourna et Sam vit un visage grimaçants, des yeux sombres mais un regard vide, un souffle asthmatique.

Quand, tout à coup, Minas Morgul libéra son énergie sous la forme d'une immense colonne de pouvoir verte. Un cri de Nazgûl se fit entendre et les portes s'ouvrirent. Là arrrivaient des milliers d'orques, en armures lourdes faites de fer brut et noir, des créatures laides avec des arme sprimitives et rouillées. Sam réussit à mener Frodon derrière les rochers et tous deux se cachèrnet. Mais Samsagace sentait que son maître était à bout, et qu'il faudrait qu'il y mette aussi du sien pour que l'Unique soit détruit à jamais...

Frodon s'était laissé mené à l'abri des rochers sans résister trop longtemps à son compagnon. Une fois tous deux cachés derrière les rocs noirs deMorgul qui bordaient la route, Frodon reprit lentement ses esprits. L'attirance qu'il avait ressenti pour Minas Morgul s'estompait petit à petit, laissant place à une inquiétude croissante : l'Anneau pouvait-il l'influencer à ce point ? Sortant de sa torpeur, le semi-homme jeta un regard autour de lui : Sam était adossé, tout comme lui-même, aux rochers grisâtres.

Ils jetèrent ensemble un rapide coup d'oeil de l'autre côté de leur abri rocailleux, mais se tapirent à nouveau bien vite lorsqu'une ombre ailée, une immonde monture de Spectre de l'Anneau, passa une vingtaine de mètres au-dessus d'eux. Le cri strident que poussa alors son cavalier fit se recroqueviller Frodon de souffrance : il se tenait les oreilles, et son regard errant parmi la rocaille noirâtre face à lui, cherchant désepérément un moyen d'échapper à cet hurlement insoutenable. Dans un soupir douloureux, il chuchota à l'intention de Sam :

"Je... sens... sa lame..."

Enfin, le cri cessa. Frodon leva des yeux cernés vers les cieux ombragés au-dessu d'eux : le Nazgûl était passé, et menait maintenant la colonne de l'armée orque, qui progressait le long de la route, se déversant des portes de la Cité Maudite tel un flot de monstres avides de dévastations.
Frodon échangea un regard avec Sam, suivit d'un autre en direction de la montagne se trouvant derrière eux : sa paroi abrupte ne permettait pas d'escalade, aussi Frodon commença-t-il à se demander comment passer, lorsque Sam le fit se retourner, désignant du doigt un renfoncement dans la roche ; ici commençait un étroit, discret, et abrupt escalier, menant dans la direction qu'ils désiraient : à l'est. Alors que les orques continuaient de marcher vers la guerre qu'ils portaient avec eux, Frodon et Sam commencèrent l'ascension des montagnes de Morgulduin...

Sam prit la tête du groupe. Les deux Hobbits escaladaient l'escalier plutôt que de le monter : en effet, il était très abrupte et les marches trop hautes pour les petites gens. Ils s'en servaient donc seulement comme points d'appui pour mieux monter. L'ascension dura deux heures, mais cela sembla bien plus long. Ce long voyage, que Samsagace avait même réussi à savourer lors de son début dans la Comté, le faisait désormais souffrir. Il n'était pas le Porteur de l'Anneau, n'avait pas de fardeau, mais il sentait bien qu'il lui fallait continuer, pour l'avenir de tous, pour la resplendissance de la Comté, pour la Terre du Milieu, pour tout le bien qui en reste.

Finalement, les deux Hobbits parvinrent à un moment où l'esclaier n'était plus que de simples rochers. Face à eux s'ouvrait une caverne, voire un tunnel. Une puanteur sans égale en sortait. Sam sentit Frodon reculer d'un pas mais le brave Hobbit le retint par le revers de sa veste. Leurs yeux se croisèrent, et ils comprirent que le fin de toutes choses était sur le point d'arriver. Chaque seconde perdue était une victoire de plus pour le Mordor, tandis que chaque pas en avant était un rapporchement vers sa défaite finale :

"C'est le seul chemin. Nous ne pouvons pas reculer."

Frodon acquiesça. Les deux comparses continuèrent leur chemin jusqu'à arrive rà une immense toile d'araignée. Divers animaux y étaient accrochés, futurs repas d'un montres horrible sans doute. Frodon tenta de la couper avec sa dague mais n'y parvint pas. Sam essaya ensuite avec Dard, qui lui avait été confiée par son maître et là, la toile tomba après seulement quelques coups. Dans l'obscurité croissante, la fiole de Galadriel leur permettait de distinguer les différents couloirs mais quelque chose se mouvait derrière eux. Quelque chose de noir, de bouffi, aux yeux multiples...

[Suite à Cirith Ungol, dans La Passe.]